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Reconnaitre la vérité
Un premier élément serait de reconnaitre la vérité (forcément subjective des victimes, tant primaires que secondaires). De la confronter avec compassion et avec courage. De voir nos faiblesses et les faiblesses des structures que nous nous sommes données comme garde-fou.
La toute-puissance du spirituel, et une Église cléricale qui s’imaginait déjà sainte et imperméable au péché sont ouvertes aux critiques. Mais aussi il faut regarder des abus de toute sorte qui arrivent dans tous les milieux où il y a des déséquilibres de pouvoir : les églises, les familles, les clubs sportifs, des écoles, etc.
Demander pardon n’est qu’un premier accueil de la victime principale. Reconnaître la blessure et la non-imputabilité de la victime ouvre la porte pour plusieurs pour prendre des premiers pas vers une guérison. La vérité pour les victimes secondaires commence en rétablissant le respect, tant pour soi que pour les autres.
De changements profonds dans la spiritualité de service triomphal et dans la façon d’aborder la pastorale dans l’Église est plus qu’une pénitence, c’est une ouverture pour une Église où les fidèles peuvent devenir aussi des pasteurs pour leurs pasteurs.
Ces changements doivent être publics et visibles comme un grand besoin pastoral, puisque la plupart des abus d’enfants arrivent dans des familles, loin de la médiation des « recours collectifs ». En s’occupant publiquement de nos blessures, nous ouvrons des chemins pour des victimes invisibles et silencieuses, qui ont besoin de compassion et d’accueil et de lumière : des enfants abusés, des femmes battues, les jeunes abandonnées, etc.
Il n’y a pas de gagnants et perdants dans les dénonciations, il n’y a que des faibles personnes humaines qui ont besoin de l’immense miséricorde de ce Père accueillant dont Jésus fait l’annonce.
Raymond Marquis, omi
Les défis que posent les abus de toutes sortes
On a parfois des réactions qui cherchent à nous innocenter (Ce n’était que des petites bavures ! On a fait plus de bien que du mal ! La mémoire des événements d’il y a quarante ans n’est pas fiable ! Ça ne se peut pas ! Ils se trompent sur l’identité des personnes présentes à l’époque !). J’en vis toujours dans mes relectures de la Commission de vérité et réconciliation.
Cette réaction est un rappel, on ne peut plus fort, que ces allégations concernent un cercle plus large que seul la victime de l’abus, la victime principale. D’autres aussi sont affectés, des victimes secondaires : l’auteur de l’abus qui doit confronter les ombres dans sa vie ; les parents, des amis, ou les frères/sœurs en religion, qui se sentent également salis. Sans compter les victimes tertiaires : les communautés, notre religion qui se plongent dans le doute, la honte et la perte de foi et de confiance. (Le livre récent d’Ovide Bastien « Pourquoi ? » laisse entrevoir le désarroi du cercle de la famille et des amis proches d’un abuseur autrefois respecté.)
Les traumas des victimes doivent être respectés. Ce serait un deuxième abus de leur empêcher d’en parler, ou de barrer leur propre chemin de guérison. Mais surtout il faut à tout prix éviter de laisser notre besoin de guérison (comme victimes secondaires) barrer leur cheminement. Nous avons besoin, nous aussi, de guérison. Et ce sera certainement autre chose que le déni ou la re-culpabilisation des victimes primaires. C’est ce défi qui doit sous-entendre la sortie de l’ombre qui nous entoure tous. À suivre.
Raymond Marquis, omi
